« On se demandera bien sûr si le monde où nous vivons
est vraiment si renversé qu’il faille toujours le remettre sur pied »
...Robert Musil ‘’l’homme sans qualités" Seuil T1 p 47...

A cette demande, nous répondons
« c’est que, ici maintenant, une fois de plus, il le faut bien ! »

Accueil > Mémoires > Progetto Memoria, La prison spéciale > LES PRISONNIERS DU CAMP DE CONCENTRATION DE L’ASINARA 5 « LA SEMAINE ROUGE » (...)



LES PRISONNIERS DU CAMP DE CONCENTRATION DE L’ASINARA 5 « LA SEMAINE ROUGE » : 19-26 AOÛT 1978, RÉDIGÉ LE MOIS DE SEPTEMBRE 1978, PUBLIÉ PAR LA REVUE ANARCHISMO, OCTOBRE 1978.

mercredi 5 janvier 2022

Beaucoup de prisons de haute sécurité ont été construites depuis un an. L’objectif stratégique de ces véritables “camps de concentration” est l’anéantissement politique (et aussi physique car les deux sont liés) des avant-gardes communistes combattantes du prolétariat prisonnier et des couches du sous-prolétariat rebelles à la politique carcérale impérialiste. L’objectif immédiat est celui de normaliser et de neutraliser les composantes politiques et de classe sur le plan politique et militaire par l’expérimentation de toutes nouvelles techniques de traitement des détenus dans notre pays, de l’isolement à la réduction drastique des mouvements et des repas, de l’humiliation aux tabassages. Cette opération débute à une période où le prolétariat prisonnier est faible et confus : l’organisation NAP (Noyaux Armés Prolétariens) a subi de lourdes pertes et depuis des mois n’arrive plus à déployer une présence offensive à l’intérieur du mouvement combattant. Depuis la fin du procès de Naples (février 1977), tous les militants de cette organisation sont détenus en isolement dans la prison de haute sécurité de l’île de l’Asinara (ce camp n’a pas été inauguré par l’arrivée de ces camarades par hasard, avant l’ouverture officielle de l’opération). Le mouvement combattant a du mal à affirmer une ligne de combat sur ce terrain de classe. Les premiers effets politiques de cette offensive impérialiste se manifestent avec un approfondissement des contradictions intérieures au mouvement des prolétaires prisonniers et une confusion générale de toutes les forces politiques révolutionnaires, internes et externes, sur l’attitude à adopter pour affronter correctement un nouveau problème, dans les nouvelles conditions de détention dans les Camps de concentration.

En cette période de désorientation surgissent dans les camps et au-delà, les initiatives les plus diverses. Un premier signe d’initiative surgit de la prison de haute sécurité de Favignana 6 où les avant-gardes communistes et les prolétaires prisonniers se sont unis dans une lutte pour la libération d’une partie d’entre eux. Mais cet épisode aussi, très marquant pour plusieurs raisons, incarne la contradiction fondamentale qui concerne la question des Camps : l’absence, à l’extérieur des prisons, d’une ligne politique et d’une pratique suffisamment conséquente pour s’affirmer comme le cadre directeur de ce mouvement partiel, et donc le manque d’un programme stratégique.

Dès le grand procès de Turin des prisonniers militants des BR (Brigades Rouges), est lancé un programme politique avec des caractéristiques de lutte immédiate. Le communiqué n° 14 l’exprime clairement « … face à ce véritable programme de “génocide politique”, pour ne pas être anéantis on ne peut que contre-attaquer ! Le programme stratégique de l’organisation combattante communiste des BR dans les prisons est précis : libération de tous les prolétaires et destruction des prisons ! Cela ne signifie pas l’absence d’initiative sur les problèmes immédiats : le devoir le plus urgent est l’abolition du traitement différencié de tous les prisonniers des Camps. Il comprend la suppression de l’isolement par rapport à l’extérieur. Voilà le programme immédiat de lutte que les BR proposent pour les prisons de haute sécurité à tous les prolétaires. L’organisation tout entière le porte en avant en tant qu’articulation de sa ligne stratégique « d’attaque contre l’État » sur le front des prisons. Une première actuation pratique de ce programme se traduit par une attaque contre les structures de l’isolement et de la torture, les vitres blindées de séparation et les hygiaphones de la salle des parloirs de la section spéciale de haute sécurité de la prison « Le Nuove » de Turin. Autour de cette lutte et de ses contenus, les prolétaires de la prison de Turin déclenchent la lutte et confirment leur appui dans un communiqué. […] créées les conditions d’une reprise de la lutte aussi à l’intérieur du secteur de classe dont prolétariat prisonnier est la partie la plus mûre et la plus combative.

Le pouvoir déploie ses armes sur le terrain à base d’amnistie et de réduction de peine, et poursuit son mouvement de restructuration et d’intégration des fonctions décisives de commandement en préparation de la guerre : le général des carabiniers Carlo Alberto Dalla Chiesa est chargé directement par le Premier ministre Giulio Andreotti (on se moque du processus démocratique-bourgeois) de la direction et de la supervision des prisons de haute sécurité ainsi que de la conduite de l’offensive contre les forces révolutionnaires, les BR en particulier. C’est un choix qui de toute évidence est le prélude d’une nouvelle qualité de la contre-révolution impérialiste. Le général des carabiniers Carlo Alberto Dalla Chiesa cumule ainsi les missions de super-gardien et en tant que chef hors de tout contrôle de la contre-guérilla, cela souligne en ce qui nous concerne l’importance fondamentale de désigner les prisons de haute sécurité comme terrain d’affrontement révolutionnaire.

Il est nécessaire ici de décrire brièvement les caractéristiques du camp de l’Asinara dans son rôle de « terminus », une sorte de « rive » injoignable. Tout d’abord, il est situé dans une zone du territoire relativement éloignée des influences et des contradictions des métropoles, complètement militarisée et interdite à la population civile, il est desservi uniquement par les navettes de l’administration pénitentiaire, les bateaux des carabiniers et de la garde des finances 7 . Le camp est constitué de deux sections spéciales : « Bunker » et « Fornelli », qui se trouvent respectivement à 25 km de distance.

Se trouve là le cœur du projet d’anéantissement des prolétaires prisonniers, cette phase se limite à l’expérimentation et à la prévention-neutralisation de toute forme d’initiative de lutte. Ces caractéristiques d’un côté permettent l’utilisation d’une « Cayenne sarde » afin de terroriser le mouvement révolutionnaire entre circuit de prisons « ordinaires » et circuit de prisons de « haute sécurité », d’un autre côté elles permettent à la direction un espace d’action qui se traduit ainsi : dans le contrôle, la régulation et l’arrêt du flux des visites depuis l’extérieur y compris des parloirs ; l’exploitation de quatre structures séparées entre elles (2 dans la section Bunker, 2 dans la section Fornelli) ; l’utilisation de zones de promenade divisées ; le transfert incessant des prisonniers entre les sections ou d’une cellule à une autre ; la composition des cellules avec trois ou quatre détenus selon des critères d’affinité ou le contraire, en fonction du but recherché. Tout cela pour favoriser une déstabilisation psychologique, l’isolement de l’extérieur, à l’intérieur la prévention de la formation d’un minimum de lien politique entre les prisonniers. Une étude rapide de la composition politique des prisonniers de ce camp permet de tracer le tableau suivant : pour la moitié environ d’entre eux il s’agit de prolétaires non politisés mais pas hostiles aux forces révolutionnaires, l’autre moitié est constituée d’un tiers de communistes des organisations combattantes des BR, les deux tiers restants composés, d’une part, de prolétaires politisés, des avant-gardes de luttes de ce secteur de classe et, d’autre part, de communistes d’autres organisations combattantes et de toute autre nature, par des prolétaires réfractaires au discours politique et de lutte, ou même hostiles. Telle est la composition politique du camp au début de la « semaine rouge ». Après le retour dans les camps des camarades du « grand procès » de Turin, une nouvelle phase de lutte débute, la construction du pouvoir révolutionnaire, le pouvoir politique prolétarien, le pouvoir rouge, ces concepts similaires démontrent, après un an de résistance, de lutte et de confrontation idéologique dans plusieurs camps, que la caractéristique essentielle et dominante est en train d’être adoptée par le « mouvement des prolétaires prisonniers ». Les tendances « économicistes-spontanéistes » et “syndicales-défensives” ont été battues, maintenant il est question d’une ligne offensive qui ne néglige pas l’importance de l’organisation dans la recherche d’une réponse par la lutte. Les contenus de cette ligne ont été définis dans le communiqué n° 1 diffusé pendant le « grand procès » de Turin et n’attendent plus qu’à être vérifiés dans la réalité.

Marx a dit : « la théorie devient une force matérielle lorsqu’elle conquiert les masses » : la lutte pour cette conquête est l’aspect principal de l’activité révolutionnaire dans les camps durant le mois de juillet et jusqu’au 19 août (1978).

Pendant plusieurs semaines, il s’agissait d’un affrontement feutré, souterrain, afin de vaincre les obstacles courants que la direction plaçait sur notre parcours : le fait de s’être liés, d’avoir débattu et vaincu l’isolement, a exigé une créativité révolutionnaire et une dure lutte, car le camp est structuré avec pour principe d’isoler les uns des autres et de déverser son immense violence sur chaque prisonnier. La construction d’un réseau de liaison entre tous les prolétaires prisonniers a constitué la première étape de la construction du « pouvoir rouge » et aussi la première victoire. Celle-ci a favorisé le développement d’un travail de clarification politique systémique, cellule par cellule, aile par aile, promenade par promenade. Il ne s’agissait pas seulement de paroles. Les éléments les plus avancés du prolétariat prisonnier, avec les camarades des BR, avaient commencé à refuser les parloirs avec les vitres de séparation, saisissant chaque fois l’occasion pour mettre en acte « un meeting » parmi les surveillants. Parmi les « verts » 8 ont été semées des idées forces ; l’affrontement n’est pas entre nous les prisonniers et vous les gardiens, mais il est dirigé contre ceux qui imposent ces vitres de séparation ‒ pour atteindre un isolement toujours plus marqué, l’objectif de notre isolement et du mouvement révolutionnaire global ‒, lorsque vous, les surveillants, serez appelés à réprimer directement, réfléchissez avant : qui sont vos mandataires et quelles sont leur motivations ? Le mouvement révolutionnaire saura tenir compte de votre comportement. Toute action de « refus actif » et chaque rassemblement étaient propagés dans le camp, se formaient des discussions de masse à ce sujet (même si séparées) afin de faire mûrir les tensions de lutte qui couvaient au plus profond de chaque prolétaire prisonnier.

Le « refus actif » des parloirs n’est pas une grève, comme quelques camarades, pas de notre camp, l’ont qualifiée. Cette forme de lutte a été pour nous la base d’une grande campagne d’agitation et de propagande des contenus du « programme immédiat », cela a constitué l’élément matériel et dynamique pour associer les prolétaires prisonniers en vue de batailles plus importantes.

L’initiative de la direction de la prison dans cette phase, qui n’est pas la moindre, comporte trois axes : des transferts incessants de cellule en cellule, de section en section, des convocations de prolétaires prisonniers dans le bureau du directeur Cardullo avec l’objectif de connaître nos intentions, de sonder la cohésion, de vérifier la décision de la lutte et d’évaluer les limites d’une initiative possible et prévisible. Le directeur Cardullo a pratiqué de différentes façons et a accentué aussi une pression « terroriste » dans l’intention de dissuader et de décourager les prisonniers en introduisant des divisions parmi les « politiques » et les « droit commun », parmi les familles, pour affirmer que « de toute façon tout cela ne mène à rien ».

Cette action directe s’est accompagnée, tout en la constituant pour partie, d’une vaste campagne de « guerre psychologique », qui en fait partie, cela n’est pas dénué d’intérêt pour établir notre bilan. Selon un manuel de l’armée américaine la « guerre psychologique » représente en soi un complément de l’action militaire, son objectif est de briser la volonté et la capacité de travail et de lutte de l’adversaire en prenant des initiatives qui détruisent son moral. Il s’agit de persuader l’ennemi par des moyens non violents et par la propagande, par une utilisation systémique, planifiée et organisée de toute forme de communication, avec l’intention d’orienter les facultés d’entendement, les pensées et les agissements d’un groupe d’individus vers une direction particulière et un but établi. Pour toutes les formes de communication, on entend, en plus du recours aux médias, la technique de la « rumeur ». La rumeur répand une nouvelle dans un environnement auquel elle est destinée, son authenticité est douteuse, et son origine impossible à déterminer.

La « rumeur » prend rapidement de l’ampleur à condition de s’appuyer sur des émotions élémentaires : la crainte, la peur, l’espoir, la haine… Pour que la rumeur soit efficace, elle doit être simplifiée, brève, ornée de quelques détails qui touchent l’imagination et la mémoire. Elle doit être mise en circulation avec désinvolture, comme un fait réel, en s’appuyant sur les émotions et les sentiments les plus puissants qui sont présents dans le groupe auquel elle est destinée.

L’action préventive de guerre psychologique, dans notre cas, prend définitivement forme le 11 août, avec le transfert soudain et inexpliqué de 12 camarades à la tristement célèbre section, le « Bunker ». Dans le communiqué officiel, elle est qualifiée de « section de transit », il s’agit en réalité d’un « lieu de punition ». Quelle est la raison de ce transfert ? Évidemment en premier lieu, celle de désarticuler l’organisation interne du mouvement, mais ce n’est qu’un aspect et certainement pas le plus important. En fait, pendant que tous, soit à la section « Bunker soit à la section « Fornelli », s’interrogent sur le motif de cette manœuvre de la direction, le directeur Cardullo fournit une clef d’interprétation en convoquant quelques camarades en entretien. Son discours en clair est le suivant : « C’est la fête du 15 août, la grande île [la Sardaigne] est bondée de touristes parmi lesquels peuvent se glisser facilement de dangereux terroristes et d’ailleurs trop de familles circulent hors de tout contrôle. Le transfert au Bunker est préventif et fait partie d’une opération que nous pourrions qualifier de “fête du 15 août tranquille”. » Cardullo est inquiet aussi en vue de la prochaine visite annoncée de l’AFDECO (Association des Familles des Détenus Communistes), prévue le 19 août. Il cherche à anticiper les possibles réactions des camarades, il doute à cause de leur attitude qu’avec eux « tout ira pour le mieux ». La crainte « officielle » est celle d’une intervention militaire de la guérilla sur l’île, en réalité c’est seulement un paravent derrière lequel se cache l’attaque intérieure du mouvement des prolétaires prisonniers coordonnée avec l’arrivée de la visite massive des familles, prévue le 19 août. Le directeur Cardullo savait que ce jour-là quelque chose se mijotait, il s’attendait à une initiative de lutte aux parloirs, mais il en avait certainement sous-évalué la portée. Il n’avait pas prévu, ou il a pensé pouvoir neutraliser l’initiative de masse, le niveau d’organisation interne que celle-ci a montré, et cette erreur l’a mis en rage ! La nouvelle qualité de l’insubordination offensive de masse déchaînera la réaction féroce de la direction : l’union de la guérilla avec le mouvement de masse révolutionnaire n’est pas tolérée, la présence offensive d’un pouvoir rouge croissant dans le camp doit être démantelée ! Dans ce contexte s’expliquent les nouvelles « étranges » sur l’attentat contre R.C. (BR) qui commencent à circuler le 18 août et les jours suivants, après le début de la lutte, sur le débarquement d’unités de guérilla des BR prévu par les carabiniers et la DIGOS 9 le 24 août à l’aube.

Les dates ont leur importance. Le 18 août est la veille du fatidique samedi : « R.C. tué dans un attentat » : qui peut contrôler la véritable information si on ne peut pas en déterminer la source ? Qui peut exclure que cet acte s’est accompli puisque R.C. est enfermé dans la section Bunker en isolement total ? Le problème est le suivant : la direction et ses complices sont en train d’instaurer un climat d’insécurité et de terreur subtile parmi les prolétaires prisonniers et les familles. R.C. représente un symbole, tous les prolétaires prisonniers saisissent la portée du message qui s’adresse à chacun d’entre eux. À la veille de la lutte, on tente de miner le moral, l’unité, la décision.

Les objectifs de cette opération ont échoué complètement. Samedi 19 août, pas du tout saisis de frayeur, les 5 premiers camarades appelés aux parloirs attaquent, par tous les moyens à disposition, les hygiaphones, les tablettes, les vitres pare-balles de séparation. L’alarme est déclenchée, mais pendant de longues minutes pas d’intervention de la part des surveillants. Les chaises sont cassées contre les vitres malgré les injonctions répétées de la part de quelques gradés pour suspendre l’œuvre de destruction systématique. Les camarades continuent leur action, ils mettent en garde les surveillants prêts à intervenir, de ne pas s’en mêler car leur intervention déplacerait l’affrontement directement sur eux, en effet jusque-là étaient visés l’exécutif et les instances spécifiques du pouvoir carcéral. Personne n’intervient. Lorsque les camarades jugent l’opération terminée, ils lancent un rassemblement de clarification pour expliquer les raisons de l’attaque et ensuite ils se livrent au personnel de la prison et regagnent leurs cellules. Une fois que l’alarme s’est déclenchée, les camarades qui se trouvaient en promenade lancent une mobilisation de masse avec le mot d’ordre : la lutte appartient à tous, la responsabilité est collective. Tous les prisonniers en promenade participent à la lutte. Un tract commence à circuler, il est distribué aussi aux surveillants, le texte expose les contenus de la lutte plus générale, qui a repris dans les prisons. C’est une lutte et un objectif, refuser ce type de parloir avec les familles, qui ne s’arrête pas à un acte particulier. Avec cette attaque on s’oppose à la destruction des prolétaires prisonniers ; on démontre qu’on peut lutter, malgré leurs moyens d’anéantissement, contre ceux qui cherchent à nous diviser et à nous voir vaincus ; seule la lutte peut nous donner la force politique pour démolir les intentions, qui se sont traduites désormais en faits sanguinaires, du ministère, des hauts commandements des carabiniers, de la direction de la prison. Cette attaque s’allie à la lutte du prolétariat métropolitain dans la ligne stratégique d’attaque et de désarticulation de l’État. Pourquoi attaquer l’État, camarades ? Les « prisons de haute sécurité » ne sont pas des abcès dans un corps sain, mais répondent à l’exigence de l’État pour contrecarrer la croissance du mouvement révolutionnaire et pour rétablir l’ordre impérialiste dans tout le pays. Dans les intentions de la bourgeoisie impérialiste, les « prisons de haute sécurité » doivent servir, d’une part à briser le mouvement des prolétaires prisonniers, car ces dernières années il a grandi et s’est développé de façon consciente, d’autre part à développer une fonction terroriste : donner au prolétariat une démonstration d’efficacité destructrice des moyens que l’impérialisme utilise pour réprimer l’antagonisme du prolétariat combattant. Ces techniques, on les connaît bien. De la « privation sensorielle » à l’isolement (individuel ou par petits groupes), de l’agression physique au manque de nourriture. Maintenant ils cherchent à nous imposer les relations avec les familles à travers des entretiens enregistrés, derrière des vitres de séparation et d’hygiaphones, ils justifient ces mesures par la possible relation de complicité. La signification de ces mesures est claire : il s’agit de représailles. Des représailles de l’État sur un secteur du prolétariat qui, même une fois emprisonné, ne veut pas baisser la tête, et sur des centaines d’avant-gardes communistes prisonnières. Comment définir autrement une action qui a pour objectif la destruction de l’identité politique et de la personnalité, à laquelle s’ajoute un anéantissement à petit feu, même physique, d’une strate de classe ? Face à ce programme criminel, le seul choix est la contre-attaque pour ne pas être anéantis. Le programme stratégique des BR est précis : la libération de tous les prolétaires et la destruction des prisons. Cela ne signifie pas l’absence d’initiative sur les questions courantes, nous proposons donc un programme immédiat pour articuler la lutte :

  1. 1) l’abolition de l’isolement individuel, l’augmentation des heures de promenade, l’arrêt de l’isolement par petits groupes, l’autodétermination de la composition des cellules, c’est-à-dire la possibilité pour chaque prisonnier de choisir ses camarades de cellule sur la base d’une communauté d’intérêts ;

  2. 2) l’abolition de l’isolement avec l’extérieur, c’est-à-dire la suppression des vitres de séparation, la possibilité d’effectuer des parloirs prolongés avec une durée proportionnelle aux efforts physiques et économiques des visiteurs pour joindre le camp, l’abolition du blocage de l’information, de la correspondance et de la censure des livres. Pour réaliser ce programme, une lutte avec des caractéristiques de revendication ne suffit pas, nous pouvons atteindre ce programme seulement en nous mesurant dans un affrontement de pouvoir par lequel l’organisation et la construction à l’intérieur du pouvoir politique révolutionnaire deviennent une priorité. C’est une question de concrétisation, aussi à l’intérieur des camps, de rapports de force, politiques et militaires, désormais portés au niveau général de la lutte des classes.

Camarades, cette lutte ne concerne pas seulement le camp de l’Asinara. Certainement chaque prison présente ses spécificités, mais prévalent largement des aspects communs. À chaque camp est assigné par l’État un rôle différent contre les prisonniers combattants et les prisonniers « irrécupérables », les différences entre camps sont données, en partie par la volonté du ministère de créer des divisions parmi les prisonniers et d’expérimenter différentes techniques d’attaque, en partie par l’influence des forces politiques locales et des circonstances particulières. Quoi qu’il en soit, l’aspect principal est le devoir contre-révolutionnaire commun à tous les camps. Pour cette raison, notre lutte se lie à toutes celles qui l’ont précédée dans les prisons et dans les camps ; de plus elle est liée à la ligne de combat pratiquée par les organisations communistes combattantes, aux BR en particulier, une ligne qui a dirigé l’attaque contre la prison, aux actions Palma, Cotugno, De Cataldo Les autorités qui exercent le commandement de ce camp doivent savoir que la responsabilité de l’attaque à la salle des parloirs est collective, nous n’accepterons pas de discriminations et de représailles. En ce qui nous concerne, on doit tirer les enseignements politiques et pratiques pour contribuer à atteindre tous les points du programme immédiat, parmi ces points doivent trouver place les questions spécifiques posées par ce camp : refus des transferts préventifs à la section Bunker (fête du 15 août, Noël) qui cachent en réalité l’attaque à notre organisations collective interne ; non à l’arbitraire, à l’abus de pouvoir déchaîné, exercé par les autorités du camp ; un changement radical des conditions matérielles (douches, repas, hygiène) ; une réduction des prix des produits alimentaires à commencer par l’eau, ainsi de suite…Il est clair que ces requêtes personne ne nous en fera cadeau, on devra les conquérir en se mobilisant avec application et une unité maximale pour rejeter les provocations que la direction ne manquera pas d’organiser. Cette première mobilisation, le refus collectif de rentrer de la promenade à l’heure réglementaire, est une expression de solidarité avec les camarades qui ont mené l’attaque contre les box des parloirs ; une forme de lutte que nous proposons à tous les prisonniers pour vaincre les tentatives qui visent à nous diviser et à maintenir l’état des choses présent. Aux surveillants nous affirmons : « Dans cet affrontement pour la conquête du programme immédiat, la contradiction n’est pas entre les prisonniers et vous. Nous vous invitons donc à ne pas prêter main-forte aux agissements anti-prolétariens et criminels que la direction vous proposerait de mener. Conquérir le programme immédiat, construire le pouvoir politique révolutionnaire, développer et élargir l’attaque à l’État impérialiste. »

Entre-temps, on prévient le brigadier responsable du camp que l’horaire réglementaire prévu pour rentrer en cellule sera prolongé d’une heure, dans le cadre de la lutte pour la conquête du “programme immédiat”, on n’acceptera pas de discriminations à l’encontre des 5 camarades qui ont mené l’attaque et la destruction de la salle des parloirs, on demande que ces camarades soient amenés dans la cour de promenade pour qu’on s’assure de leur intégrité. Mais des responsables du camp n’arrive aucune réponse. La preuve qu’il n’y a aucune volonté de répondre aux revendications est manifeste puisque les « 5 des parloirs » sont en catimini chargés dans une jeep et immédiatement transférés dans une section « très spéciale » près de la section Fornelli. Dans ce lieu, ils seront maintenus en isolement sans aucune explication, ils resteront enfermés quelques heures, ensuite ils seront transférés à la section Bunker. Les autorités du camp n’ont aucune intention d’entendre raison, quinze minutes avant l’échéance de l’heure de lutte que les manifestants avaient déclarée, le directeur Cardullo en personne, au cri de « C’est une révolte », se place à la tête de 80 fiers agents munis de casques et matraques, et s’occupe de pratiquer la rupture. Un tabassage féroce et indifférencié est lancé, en retour les camarades ne restent pas passifs. Les occupants des deux premières cours de promenade sont pris au dépourvu et subissent les coups les plus durs. Dans la troisième cour, quelques camarades réussissent à mener une attaque directement contre le directeur Cardullo qui reçoit plusieurs coups. Le corps à corps se poursuit dans les autres cours de promenade et dans les couloirs. Pendant que les camarades « battent en retraite », ils cherchent à calmer les sbires, avec différentes méthodes. À ce moment-là, le maréchal Vitalone surgit dans le couloir, on lui explique clairement que si avant on avait attribué toute la responsabilité au ministère, maintenant il est considéré comme responsable, ainsi que la direction, de la même façon. Pendant la retraite le directeur Cardullo désignait aux agents les camarades qui l’avaient agressé et les incitent à s’acharner sur eux.

Tout de suite après être reconduits de force en cellule, 3 autres camarades sont pris de force et transférés à la section Bunker. En soirée, parmi la section Fornelli circule un communiqué qui contient les premières évaluations « à chaud » pour informer du développement de la bataille ceux qui n’étaient pas présents dans les cours de promenade (car ce n’était pas leur tour).

« Aujourd’hui, un an après l’installation dans le camp de l’Asinara, les prolétaires prisonniers ont réussi à produire une première secousse dans le super-pouvoir terroriste instauré par le ministère, les carabiniers et mis en pratique par la direction locale. On ne s’attarde pas davantage sur les conditions vécues par les prisonniers, elles sont largement connues et pas seulement d’eux. Ce qui comptait était de prendre la décision de briser la “chape” du commandement qui nous opprimait et qui nous rendait presque incapables de réagir aux provocations incessantes, aux transferts de section et de cellule, d’une section spéciale à une autre, de Fornelli à Bunker. La haine accumulée contre ce système nous a conduits à ouvrir une brèche pour attaquer, la direction ne s’est pas trouvée face à une masse divisée et vaincue, mais face à des prolétaires organisés, avec un programme bien précis. Après avoir dans les camps et au cours des procès, l’objectif de la destruction de la salle des parloirs et l’autodétermination de la composition des cellules ont constitué une avancée décisive.

Cette voie à suivre a été recueillie et devenait patrimoine aussi dans ce Camps et cela malgré l’habituelle action préventive visant à nous affaiblir qui eut lieu vant la fête du 15 août, avec le déplacement à la section Bunker d’une vingtaine d’entre nous qui ont été choisis avec une attention particulière.

Plus tard en soirée, le camarade H.F. (mouvance anarchiste) qui avait été sévèrement tabassé, surtout au visage et à la tête, tomba dans le coma. Son état était tellement grave que les responsables de la prison ont dû le faire hospitaliser à Sassari 10 . Il s’est agi d’une hospitalisation semi-clandestine ; à l’hôpital, la demande d’entretien avec le juge de l’application des peines de la part du camarade afin de dénoncer les événements à l’Asinara a été rejetée. Pour tenter de cacher son hospitalisation, après 24 heures à peine et malgré son état de santé, il est transféré en secret de l’hôpital à la section Bunker. Toutefois, la trace de son hospitalisation et les causes qui ont provoqué ses lésions resteront enregistrées dans son dossier médical. Au Bunker aussi la soirée est très tendue. En fin d’après-midi, les camarades, ne voyant pas arriver un des leurs qui était à la section Fornelli pour un parloir, comprennent que la lutte avait débuté. Autour de 19 heures, deux des quatre cellules sont rapidement vidées. C’est le signe qu’un prisonnier est sur le point d’arriver et vu l’heure il n’est pas difficile comprendre de qui il s’agit. Une fois au Bunker,les camarades qui avaient attaqué la salle des parloirs sont obligés de défiler à l’intérieur d’une haie de type terroriste composée de surveillants, ils sont perquisitionnés, dévêtus et poussés dans les cellules sans avoir le temps de se rhabiller ! Malgré tout, personne n’a cédé aux menaces, un affrontement éclate immédiatement car le chef de section ne veut pas délivrer les colis alimentaires que les familles ont consignés à l’accueil. L’attitude ferme et résolue des prisonniers obligera les agents à délivrer enfin les vivres. Plus tard, les camarades qui avaient participé aux affrontements arriveront aussi. Ils sont très mal en point, malgré cela tous les 12 enfermés au Bunker expriment une évaluation politique décidément positive sur les développements de la journée. Dans ces circonstances, l’attitude des surveillants démontre leur faiblesse politique malgré les critères de sélection de ceux qui sont assignés au Bunker. Le maréchal chef en personne se rend dans les cellules des camarades pour faire œuvre de médiation, évidemment il éprouvait le poids de la responsabilité de l’affrontement dans la section Fornelli, auquel les surveillants de la section Bunker avaient participé activement.

Dimanche 20 août débute dans un climat de lutte, toutefois quelques faits doivent être pris en considération pour comprendre les développements contradictoires. Le transfert des 12 camarades au Bunker a déterminé un affaiblissement et une désorganisation, c’est une première donnée objective. S’y ajoutent l’appréhension généralisée sur les conditions du camarade H. transféré à l’hôpital pendant la nuit et la situation globale des camarades isolés au Bunker, dont on n’avait reçu aucune nouvelle. Un troisième facteur qui ne doit pas être oublié est le silence total de la presse et des radios sur les événements du jour précédent. Évidemment ce silence fait partie des tentatives d’isoler la lutte et de cacher les événements. Ce choix met en évidence que l’ennemi manifeste de la peur face à la possibilité que le mouvement touche les autres camps, mais aussi de l’étonnement dans la perspective que le « mythe terroriste » de l’Asinara, île du diable, où aucune lutte n’est possible, s’écroule en mille morceaux ! Enfin, on doit prendre en compte que lorsque les camarades sortent pour leur tour de promenade, ils font face à un déploiement de centaines de surveillants provenant de lieux différents, un message clair de menace de futurs tabassages si la lutte redémarre. Malgré cela, les camarades sortent des cellules avec l’intention de maintenir la mobilisation pour la « conquête du pouvoir immédiat » et pour faire reculer les représailles à l’encontre des camarades transférés au Bunker. L’orientation générale était celle de pratiquer une heure d’insubordination de masse comme le jour précédent (c’est-à-dire regagner les cellules une heure plus tard que l’heure réglementaire). Les faits qu’on a rappelés plus haut exercent une influence qui fissure l’unité du mouvement de lutte et en particulier les couches politiquement plus faibles. Des tendances extrêmes se distinguent : ceux qui aspirent à résoudre la lutte avec une action de destruction des structures et ceux qui veulent éteindre le brasier qui couve. Cette situation est objectivement contradictoire, une plus grande clarification politique des contenus serait utile, une intervention avec des temps et des formes appropriées, compte tenu de l’impossibilité d’un débat soutenu à cause de l’isolement par petits groupes dans une cour de promenade, les camarades décident « une retraite tactique », c’est-à-dire choisissent de regagner les cellules à l’heure réglementaire et de commencer une bataille politique pour affaiblir les positions aventuristes et liquidationnistes afin d’être rapidement en mesure de poursuivre la lutte dans une plus grande unité.

Lundi 21 août, l’action de désarticulation du mouvement de lutte de la part de la direction s’affole lorsque 3 autres camarades sont amenés au Bunker, la composition de l’accès aux promenades est restructurée, il est limité aux prisonniers d’une cellule à la fois et par cour (tandis qu’avant l’accès était réservé aux prisonniers de 2 cellules), les camarades sont séparés par une cour interposée pour empêcher toute communication entre une cour et l’autre 11 . Pour accéder à la cour de promenade les tournées sont ainsi doublées passant de 2 à 4 et le temps est réduit à une heure ! Il s’agit d’une mesure de rétorsion qui exaspère les tensions et renforce la tendance à l’affrontement violent, au moment où la possibilité de clarification entre les prolétaires prisonniers et les rapports de force matériels sont très réduits. En journée aussi le mouvement de lutte du camp ne réussit pas à retrouver la force suffisante pour reprendre l’initiative offensive qui est remportée le jour suivant avec la deuxième attaque à la salle des parloirs. Le même jour dans la ville de Sassari, l’association AFDECO, en soutien à la lutte des prolétaires prisonniers, occupe l’immeuble du juge de l’application des peines, Tabasso, qui remplace Fiore, vu que le silence sur les nouvelles perdure et que les familles ne savent pas ce qui s’est passé dans la prison après l’attaque à la salle des parloirs. Un communiqué est diffusé suite à cette action : « … Les familles des détenus des prisons de haute sécurité continuent la protestation pour obtenir la suppression des parloirs avec les vitres de séparation et les hygiaphones. L’absurdité de telles mesures pour raison de sécurité est complètement démontrée par les perquisitions approfondies que nous subissons chaque fois que nous nous rendons aux parloirs. Les vitres visent à accentuer les conditions d’isolement que les détenus vivent à l’intérieur avec le manque de sociabilité entre eux. Depuis des mois les détenus des différentes prisons et leurs familles refusent les parloirs. Samedi 19 août à l’Asinara, des détenus ont cassé les hygiaphones et brisé les vitres. « Nous, les familles solidaires, dénonçons le fait d’effectuer la visite de nos proches avec ce moyen inhumain inacceptable. Nous considérons que le directeur de la prison de l’Asinara est responsable des représailles à l’encontre des prisonniers.

Aujourd’hui 21 août, en appui à la lutte des détenus nous les familles, nous avons occupé les bureaux du juge de l’application des peines de Sassari en signe de protestation. Nous avons aussi demandé au juge d’assumer la responsabilité qui lui est assignée. Non aux parloirs avec les vitres ! Non à l’isolement ! ».

Cette initiative a une double fonction : d’un côté fissurer le mur de silence que la direction a tenté d’ériger autour de la lutte en cherchant à s’appuyer sur toutes les complicités, et d’un autre côté constituer un point de rassemblement pour une mobilisation en appui à la lutte des prolétaires prisonniers qui se fera de jour en jour plus consistante. On doit remarquer ici pour éviter tout semblant d’instrumentalisation, que sur le terrain politique l’AFDECO est une association autonome et indépendante du choix politique de leurs parents emprisonnés. Ce discours vaut naturellement pour les initiatives de lutte que l’association entreprendrait. Mardi 22 août à 9 heures, radio Monte-Carlo informe dans le flash du matin la nouvelle, jamais reprise dans la journée, que l’AFDECO a occupé le bureau du juge de l’application des peines à Sassari en solidarité avec la lutte des prolétaires prisonniers, Le mur du silence est enfin brisé !

La direction cherche toutefois à maintenir encore l’isolement et les parloirs sont suspendus pour une semaine. À ce moment-là, l’AFDECO occupe à nouveau les bureaux du juge de l’application des peines, celui-ci cède en soirée et impose à la direction de la prison de transporter les familles sur l’île pour accéder à un parloir afin de s’assurer des conditions physiques de leurs parents emprisonnés.

Lors de ce parloir, dans un box sans hygiaphone, car ils avaient été cassés lors de l’action du 19 août (un seul était resté intact), les camarades ainsi que leurs familles sont accompagnés par un déploiement agressif de surveillants présents en masse. L’objectif est clair : empêcher que les nouvelles de l’affrontement se répandent à l’extérieur. Mais les camarades ne se laissent pas impressionner, avec des cris, des gestes et avec une créativité prolétarienne ils réussissent à expliquer aux familles en gros ce qui s’était passé. Il faut ajouter que le temps à disposition pour chaque camarade était très court, dans certains cas juste quelques secondes ! Mais plus que les mots, les gestes et les cris, les marques évidentes des coups sur les corps et les visages parlent d’elles-mêmes.

Les camarades du Bunker, amenés à la section Fornelli pour le soi-disant entretien, sont placés dans une cellule vide. Ils arrivent à communiquer avec les autres camarades de la section. Ils s’informent de la situation et exposent la position de la section Bunker, celle de ne pas perdre l’offensive et de reprendre l’initiative de masse dans les formes possibles. Mercredi 23 juillet, la direction poursuit la tactique de désarticulation avec les transferts des prisonniers d’une aile à une autre.

Dans la presse commencent à circuler des rumeurs et des indiscrétions sur la journée de samedi, mais la direction parvient à occulter les faits en attribuant la responsabilité de l’action de la salle des parloirs à « quelques brigatistes isolés » en niant l’ampleur de masse de l’action. Le débat politique sur la ligne à suivre pour la poursuite de l’action ne dépasse pas l’étape de stagnation, même si des contradictions émergent du côté de l’ennemi, la rupture du silence médiatique et l’initiative de l’AFDECO, enrichissent la discussion avec des nouveaux éléments.

La journée de jeudi 24 est fondamentale. Des fait importants ont lieu. Une ligne offensive reprend son souffle, avec une nouvelle attaque à la salle des parloirs, la direction ne parvient pas à opposer de résistance, désormais affaiblie par plusieurs contradictions. Les camarades qui ont conduit l’action profitent de la situation d’incertitude tiennent un discours dur et combatif aux surveillants. Le directeur Cardullo est aussi présent, son attitude des jours précédents est dénoncée par un camarade, Cardullo s’écrase et s’en va ! Le médecin suppléant est présent aussi, suite aux polémiques soulevées par le cas de H., il choisit de ne pas se compromettre avec la ligne de la direction et vérifie les conditions physiques des camarades. Ce contrôle sera élargi à tous les prolétaires prisonniers du camp, dans le cadre d’une enquête promue par le juge de l’application des peines. La propagande de l’action dans le camp relance des nouvelles énergies et jette les bases pour la reprise de l’initiative de masse. La restructuration complète de tout le camp est un deuxième fait important. Un grand nombre de camarades est réuni dans la deuxième section, plus petite et donc plus contrôlable. Mais cette dernière attaque à l’organisation interne du mouvement n’obtient pas les résultats espérés par la direction. La concentration de camarades de tendances politiquement proches et l’arrivée d’autres depuis le Bunker, dans les nouvelles conditions politiques créées après l’attaque à la salle des parloirs, favorise la reprise de la discussion interne et permet de construire les prémisses pour la reprise de la lutte sur une ligne unitaire et de masse. Les camarades avaient aussi pris le temps de communiquer en détail les faits qui s’étaient produits récemment dans le camp avant de détruire les hygiaphones. Le contenu de cette communication donnera la possibilité à l’AFDECO de faire circuler une version enfin véritable des faits. De plus, en tant que campagne de guerre psychologique dirigée vers l’extérieur, il faut souligner la diffusion d’une nouvelle de la part des carabiniers, le débarquement de brigadistes sur l’île le 24 août, un signalement de la DIGOS selon lequel un membre de l’AFDECO aurait été vu en compagnie de deux extrémistes sur un bateau au large de l’île de l’Asinara. Tout cela pour alimenter un climat d’intimidation à l’encontre des familles et le mouvement de résistance locale, pour isoler la prison de la réalité qui l’entoure. Maintenant, il est peut-être nécessaire de reprendre et creuser le sujet de la guerre psychologique qui à été évoqué au début de ce « journal d’analyse » de la semaine rouge de la prison de l’île de l’Asinara.

La guerre psychologique est un complément fondamental de la guerre ; sa fonction politique est de construire, à travers ses instruments (les mass médias), "une mobilisation permanente dans un sens réactionnaire des masses ; de fabriquer l’identification de larges couches prolétariennes avec les mesures les plus répressives que l’État entreprend de mettre en œuvre ; d’organiser le consensus sur la liquidation, même physique, des "ennemis intérieurs". Dans les rédactions de la presse actuelle, où le choc des classes est décomposé et recomposé selon les objectifs de domination de la bourgeoisie impérialiste, siègent les nouveaux techniciens de la contre-guérilla, les spécialistes de la guerre psychologique, les fonctionnaires de la guerre contre-révolutionnaire qui ouvrent la voie aux tueurs des forces spéciales. Ils sont les fabricants de "monstres" qui précèdent dans la guerre moderne les annihilateurs des militants évolutionnaires...". (Direction Stratégique, D.S. 78). Cependant, la fonction de la guerre psychologique ne s’arrête pas là, elle ne se limite pas à l’action préventive qui tend à créer les conditions optimales pour l’action militaire ; elle trouve une continuité dans la gestion qui la suit avec la claire intention de légitimer les choix répressifs de l’ennemi et d’assurer ainsi une couverture politique. En ce qui concerne les techniques utilisées par la guerre psychologique, il en existe essentiellement deux : 1) la censure préventive, c’est-à-dire le déni de l’information à la source, en empêchant toute fuite de faits et d’événements qui pourraient être nuisibles d’une manière ou d’une autre ; 2) la manipulation de l’information, c’est-à-dire la fabrication des nouvelles de manière à ce qu’elles remplissent une fonction "formative" (formation d’un consensus pour la politique de l’exécutif) et modifient donc les faits en présentant une vérité déformée dans laquelle des aspects réels sont mélangés - avec l’intention évidente de confondre le destinataire de cette "vérité" - avec d’autres qui sont absolument faux. Ce discours nous permet donc de mieux comprendre le rôle joué par la guerre psychologique dans les jours précédant la lutte et jusqu’à aujourd’hui. L’ennemi ne se faisait aucune illusion sur le fait que la lutte des camarades à Turin aurait certainement connu une continuité sur l’ensemble du circuit des Camps ; on ne peut d’ailleurs pas dire que les Communiqués n° 14 et 19 manquaient de clarté à cet égard. Par conséquent, la nécessité s’est fait sentir de développer une action préventive, tant sur le plan militaire que sur le front de la guerre psychologique, de manière à perturber la force politique mûrie au cours de mois de travail intense et de débat prolétaires prisonniers politique parmi tous les prolétaires prisonniers. C’est dans cette clé qu’il faut interpréter toutes les nouvelles, rumeurs et conjectures qui ont précédé les événements du 19 août. Selon les différentes phases, la guerre psychologique sera dirigée : 1) vers l’intérieur, c’est-à-dire vers tous les prolétaires prisonniers, pour affaiblir leur moral, briser leur force, les diviser intérieurement en opposant les prisonniers "politiques" aux prisonniers du "droit commun" ; 2) vers l’extérieur pour isoler la lutte, déformer les caractères et les contenus, décourager toute forme de solidarité de masse qui se construira autour d’elle. Dans certains médias, la nouvelle qui fait l’effet d’une bombe est celle d’un débarquement imminent de brigadistes avec l’intention de libérer les camarades. Cela constitue l’occasion pour justifier l’opération "août tranquille", c’est-à-dire le transfert de 12 camarades vers la section Bunker. Mais ce n’était toujours pas suffisant. Cardullo et les carabiniers savaient que le samedi 19 août, l’association AFDECO avait l’intention de faire une visite "de masse" à l’Asinara et ils s’attendaient à ce que les camarades profitent de cette circonstance pour prendre quelques initiatives. C’est ainsi que le vendredi 18 et le matin même du samedi 19, des brèves d’agence donnent la nouvelle incontrôlée et incontrôlable d’un attentat dans lequel R.C. (mouvance BR) aurait perdu la vie. La nouvelle est ensuite démentie, mais il n’est pas difficile de saisir la signification de cette "nouvelle" : il est clair que l’on veut introduire un élément déstabilisant parmi les prolétaires prisonniers, insinuer la méfiance et la suspicion à l’égard de tout et de tous, semer la peur aussi parmi les membres de la famille pour ce qui pourrait se passer ici et les inciter, de cette façon, à freiner toutes nos impulsions à la lutte. De cette manière, ils ont probablement pensé pouvoir inhiber notre volonté de lutter, arrêter et paralyser toute initiative que nous pourrions prendre. L’erreur de calcul est évidente dès le début de l’après-midi de ce même samedi, lorsque les camarades attaquent la salle des parloirs et que les prolétaires prisonniers participent activement à la lutte en manifestant leur solidarité et en prolongeant l’heure réglementaire prévue pour la promenade. C’est à ce moment-là qu’a été déclenché le black-out de l’information : le but était de donner à la direction du camp et à ses conseillers militaires (le corps des carabiniers) le temps d’écraser par la force l’insubordination de masse - qui se propageait également dans les autres camps - puis de divulguer les faits après coup, afin que notre défaite puisse être présentée comme un objectif politique acquis, à propager uniquement pour dissuader et annihiler toute autre ambition de lutte.

Le choix politique d’adopter une tactique flexible nous a permis de sauvegarder nos forces, et la rupture du "front du silence" de la part de l’association AFDECO ont placé l’ennemi dans une position d’impasse et une désorientation générale, le forçant à la dérobade et à un mutisme entêté.

Cela a même été remarqué par le journal Gazzettino Sardo de la RAI (chaîne publique italienne, radio et télévision), qui a "suggéré" que Cardullo présente sa version des faits. Un certain nombre de brefs communiqués envoyés aux agences de presse ont déformé le caractère de masse des luttes ; en tentant d’accréditer la thèse selon laquelle la lutte se limiterait à "quelques extrémistes", et en essayant même de construire une fausse opposition entre prisonniers "politiques" et prisonniers de "droit commun", la polémique et les accusations ne font que s’intensifier et obligent Cardullo à se dévoiler au grand jour avec une interview accordée à plusieurs médias dans laquelle la mystification dissimule la ligne de défense à laquelle il a été contraint sous la pression de l’action de contre-information menée par l’AFDECO et, au niveau local, par l’organisation Autonomie ouvrière (Autonomia Operaia) de Sassari. La direction du camp, soumise à une "censure" incessante et acharnée de son travail, est obligée d’assumer une nouvelle position et le fait en utilisant pour l’occasion un surveillant fantoche qui, aussi au nom de tous (?) ses collègues de l’Asinara, fait une déclaration aux techniciens de la contre-guérilla psychologique dans laquelle, pour justifier les dures représailles du samedi 19 août et couvrir en partie la défaite politique subie par la direction du camp, il n’hésite pas pour exagérer l’ampleur de la lutte, en la faisant passer pour une tentative d’évasion massive avec capture d’otages, prise de la prison et de l’île ! Mais ce n’est pas tout. Une rumeur se répand sur le repérage présumé d’un sous-marin (!) probablement chargé de "terroristes" prêts à attaquer l’île. De toute évidence, l’image d’une organisation très puissante, pourvue de haute technologie et suffisamment efficace pour faire douter même de son origine (sont-ils allemands, tchécoslovaques... ou martiens ?) est utilisée pour faire monter la tension et la "psychose des brigadistes" afin de pousser les gens à dénoncer quiconque a le malheur d’éveiller les soupçons par son comportement ; pour construire un consensus de masse préventif pour toute manœuvre criminelle que l’exécutif entend réaliser et pour induire dans les gens l’idée que les "terroristes" ne sont que des machines de destruction et de mort sans aucun lien réel avec les masses et leurs intérêts.

Les mesures de sécurité du camp sont coordonnées par les commandements de l’OTAN par l’intermédiaire des centres de contrôle locaux (carabiniers, police d’état, DIGOS, armée, justice). Avant le début de la "semaine rouge", pendant l’action Moro et le procès de Turin, une série de mesures sont expérimentées pour vérifier le fonctionnement des appareils militaires ; à cet effet, un débarquement est effectué par les carabiniers qui font semblant de prendre d’assaut la prison, au même moment, des contingents de renfort composés de carabiniers et de surveillants locaux se joignent. Par la suite, au début du mois d’août, un exercice militaire d’alarme a lieu dans tout le nord de la Sardaigne (villes de Sassari, Porto Torres et Alghero), des manœuvres militaires qui font partie du programme de militarisation du territoire à utiliser en cas d’évasion massive du camp, comme le précise une déclaration de la direction : pour "calmer" la population et les nombreux touristes, effrayés par l’énorme déploiement de forces et de moyens militaires. Tous les moyens disponibles ont été déployés dans cette opération ; non seulement tous les surveillants et les carabiniers de l’île ont été mobilisés dans la zone opérationnelle, mais aussi toutes les forces actives de contre-guérilla disponibles : des véhicules de l’OTAN ont été utilisés et le golfe d’Asinara a été illuminé de jour par le lancement de fusées éclairantes, suivi du ratissage de la zone d’opération. L’emploi de cet appareil gigantesque remplit une fonction de dissuasion psychologique afin de terroriser la population locale, en donnant une image d’efficacité fondée sur la psychologie de la guerre. De cette manière, l’ennemi entend décourager toute résistance prolétarienne dans les camps et à l’extérieur. Ces exercices font partie de la campagne préventive de contre-guérilla qui deviendra de plus en plus évidente avant et pendant la "semaine rouge". Quelques jours avant le 19 août, la nouvelle est diffusée que le 24 août, des unités de guérilla des Brigades Rouges devraient débarquer pour attaquer la prison : cela déclenche le dispositif de sécurité interne-externe qui entre en état de pré-alarme. Avec le début des luttes le 19 août, 80 surveillants sont amenés d’autres sections de la prison comme force d’intervention, 30 surveillants resteront à la section Fornelli comme renforts même après le tabassage. Les dispositifs extérieurs sur l’île de l’Asinara ont également été renforcés : à Cala Reale, le nombre de carabiniers est passé de 30 à 200/250 unités, équipées de voitures blindées et d’un hélicoptère ; en outre, une unité navale de 200 hommes arrive à Mare Grande, prête à intervenir en cas d’attaque du BR. Mais l’île de l’Asinara n’est pas la seule à être mobilisée par la lutte qui se développe dans le camp : 90 carabiniers équipés de deux hélicoptères (de type OTAN) sont stationnés à Alghero Fertilia (ville au nord-ouest de la Sardaigne), prêts à intervenir si la situation dans le camp venait à s’aggraver. Le commandement des carabiniers et de la police d’état de Sassari supervisent les forces de répression sur l’île de l’’Asinara, mais en cas de besoin, ils sont capables de mobiliser un grand nombre d’hommes et de moyens, comme cela a été démontré lors du soi-disant repérage d’un sous-marin, qui a déclenché une alarme générale et a ainsi permis l’activation de tous les organes actifs de la contre-révolution : des carabiniers à la police d’État en passant par la Garde des finances (Guardia di Finanza, police des finances et des douanes) et l’armée. A la fin de la semaine, la direction a demandé au ministère un contingent de 90 surveillants en renfort ; toutes ces mesures témoignent de l’importance des camps de concentration au sein des appareils de guerre de l’État impérialiste des multinationales et de l’intégration de ceux-ci dans un circuit continental qui, à partir des pays forts, parcourt toute la chaîne impérialiste. Si, au cours des jours précédents, la tactique de la contre-guérilla psychologique consistait à prévenir la lutte en divisant les prolétaires prisonniers, elle consiste maintenant à contenir et à cerner la lutte elle-même : d’une part en justifiant l’intervention sévère et d’autre part en mystifiant les nouvelles du camp. Le vendredi 25, les médias ont poursuivi la mystification (la lutte aurait été menée juste par quelques prisonniers) mais ont été contraints de confirmer certains faits extrêmement importants : 1) une "échauffourée" a bien eu lieu ; 2) Cardullo a été frappé par un camarade.

Les premières contradictions apparaissent : la visite de contrôle médical de tous les prolétaires prisonniers des sections Fornelli et Bunker ; le rapport du juge d’application des peines sur la situation du camp ; une enquête ministérielle. Une série de points forts, alliés et complices traditionnels de la Direction, échouent dans leur fonction, mis sous pression par la lutte interne et externe au camp. Les mêmes silences de la Direction sur le cours des événements jouent désormais contre ses objectifs, puisqu’ils s’exposent à l’attaque d’un autre allié important : le journal "Gazzettino Sardo" de la RAI et la presse en général. En raison du changement du rapport de force, le camarade H. F. est à nouveau hospitalisé, comme son état physique l’exige. A partir de l’évaluation de ces faits nouveaux, les camarades de la deuxième section parviennent à une homogénéité politique sur un programme de lutte pour la journée du samedi 26 centré sur les points suivants : a) le retour des camarades de la section Bunker à la section Fornelli ; nous n’acceptons pas de représailles ou des mesures de sanction qui séparent les responsabilités de certains de celles de tous ; b) la récupération de l’heure de promenade supprimée après le début de la lutte en rétablissant le critère d’attribution des occupants de 2 ou 3 cellules réunis dans la même cour ; c) les objectifs politiques du "programme immédiat". La situation politique dans la première section est relativement faible en raison du déplacement de la majeure partie des camarades vers la deuxième section et, bien que l’essentiel des forces prolétariennes du camp reste dans la première section, on estime que l’initiative doit être reprise, même sous la condition de trois cours de promenades séparées entre elles et composées de trois-quatre personnes de la deuxième section. La probabilité d’un affrontement physique est minime et même si cela devait se produire, il en coûterait un prix politique très élevé à la direction du camp et à l’exécutif central lui-même, qui est désormais incapable d’étouffer les contradictions qui ont mûris et de bâillonner l’information et la contre-information qui se développent au camp de l’Asinara. La journée du samedi 26 marque la reprise de la lutte de masse : la première moitié de prisonniers la deuxième section sort dans la cour de promenade et ils prolongent le temps "autorisé" d’environ une heure. En présence du brigadier-chef de la section, le contenu de la lutte, ses objectifs et notamment le retour de tous les camarades de la section Bunker sont réitérés en des termes très durs. Les surveillants ont également reçu l’ordre de ne pas se prêter aux éventuelles manœuvres répressives de la direction, soulignant que le mouvement se souviendrait longtemps et frapperait fort même à leur encontre. Pendant ce temps, les camarades de la deuxième section qui étaient restés enfermés en cellule, soutiennent la lutte en demandant à sortir des cellules pour utiliser leur temps de promenade, et réitèrent en même temps le contenu de la lutte déjà exprimé par les camarades qui se trouvent dans la cour de promenade. Entre les camarades qui sont en promenade et ceux de la première section, le débat se développe à voix haute sur les objectifs et la nécessité de reprendre la prolongation de l’heure de promenade "autorisée" pour toutes les autres tournées suivantes prévues de la journée. Lorsque la première tournée est rentrée en cellule sans violence à la fin de la protestation, un communiqué d’agitation et de propagande est également envoyé à la première section. Au cours de la même matinée, alors que les prisonniers de la deuxième tournée poursuivent encore l’agitation dans la cour de promenade, on confirme le retour de tous les camarades de la section Bunker qui sont répartis dans les différentes cellules de la première section. Le commandant du camp arrive aussi, il nous assure que dans l’après-midi le temps dans la cour de promenade sera doublé et l’isolement des occupants des cellules sera supprimé entre eux ; il nous assure aussi qu’il n’y aura plus de transferts à la section Bunker, il se déclare disponible à l’autodétermination de la composition des cellules, il envisage en outre la possibilité d’effectuer un parloir mensuel sans vitres de séparation avec les proches pour tous les prolétaires prisonniers. La direction n’a plus la force d’intervenir, épuisée par une semaine de lutte et ses contradictions ; " inquiète " de la visite de l’inspecteur ministériel Cherchi, prévue aujourd’hui, elle ne parvient plus à opposer de résistance. En fait, la préparation relative de la direction et des surveillants eux-mêmes s’est construite progressivement sur la répression de ces formes de lutte qui ont caractérisé cette couche de classe prisonnière : des explosions de violence individuelle ou collective, mais de courte durée, sans objectifs précis de conquête qui s’épuisaient en peu de temps en l’absence d’une tactique et d’une articulation politiquement réfléchie. La répression réussit, dans ces cas, à faire refluer la lutte, même si elle n’affaiblit pas la détermination parmi les prolétaires.

La bataille du samedi 19, au contraire, a fait grandir davantage la lutte, parce qu’on lui a impulsé une direction politique qui a finalement gagné sur les tendances erronées présentes et a pris l’ennemi au dépourvu après l’avoir maintenu constamment sous pression par des attaques dans les salles des parloirs, lors de la reprise actuelle de la lutte. Il faut noter à cette occasion, malgré la présence d’un commandant et d’un brigadier qui étaient les bras droits de Cardullo, que tout le monde a souffert de l’initiative des camarades et que certains surveillants ont ouvertement manifesté leur "solidarité" avec eux. Dans l’après-midi, la première section sort pour le temps de promenade, les prisonniers occupant deux cellules peuvent à nouveau se retrouver réunis dans la cour. Tout le monde est déterminé à rester dans la cour pendant deux heures et cela se passe avec "l’approbation" des surveillants qui "autorisent" l’heure de promenade supplémentaire dans l’intention de déformer le caractère de conquête de la lutte. Dans quelques cours le temps de promenade est prolongé au-delà de deux heures, mais les prisonniers regagnent ensuite tous leurs cellules. De cette manière, une ligne correcte s’est recomposée, les tendances opportunistes et aventuristes qui caractérisaient fortement les tensions internes du prolétariat prisonnier sont surmontées. Cela est d’une grande importance car cela réaffirme une direction politique précise qui, en soudant l’unité du camp, conduit l’ennemi à se retrancher. Plus tard, l’offensive des camarades continue : ceux qui sont amenés au parloir, attaquent et détruisent les interphones pour la troisième fois en une semaine. Les nouvelles affluent sur l’extension de la lutte dans la grande île : à Porto Torres, Sassari et Stintino, des différentes assemblées et débats sont organisés sur les prisons spéciales, des tracts de propagande et de contre-information sont distribués ; dans l’un des tracts diffusés par l’organisation Autonomie ouvrière (Autonomia operaia) de Sassari, on peut lire, entre autres, que : "La lutte en cours dans la super-prison d’Asinara et dans les autres prisons fait partie intégrante de la lutte du prolétariat révolutionnaire contre la réorganisation du commandement capitaliste et la restructuration répressive de ses articulations". Sur les murs des bâtiments de Porto Torres, Sassari et Stintino sont apparus de nombreux écrits faisant l’éloge de notre lutte, contre les prisons spéciales - l’Asinara en particulier - contre Cardullo et le ministère de la Justice. L’inspecteur ministériel arrive et convoque un seul camarade de la deuxième section, de nombreux prolétaires prisonniers demandent à être entendus, ils sont convoqués un par un mais forment un mur compact remettant le tract de la lutte et brisant ainsi toute tentative de dialogue ou de médiation. Ce Cherchi est soumis à des attaques diverses et très dures : il est littéralement interrogé sur son identité et sa fonction, il est contraint de succomber à l’initiative des prolétaires révolutionnaires. Après ces "réunions", le fonctionnaire ne pouvait que prononcer quelques bêlements face à notre "fermeté" ! A l’extérieur, la mobilisation de l’AFDECO se poursuit, soutenue par l’organisation de l’Autonomie de Sassari. Tandis que l’unité du mouvement de classe grandit, les contradictions de l’ennemi s’étendent et s’approfondissent : le "cas Asinara" explose désormais dans tous les médias ; le camp de concentration des combattants communistes et des prolétaires prisonniers est aussi le premier qui a vu se développer en son sein une lutte offensive, articulée, victorieuse, contre la substance même de ces instruments de l’État impérialiste multinational. En fait, ce jour marque la fin de la phase de lutte qui a commencé le 19 août. Les tendances politiques incorrectes qui ont émergé au sein du camp ont été vaincues et un niveau d’unité plus élevé a été atteint. Le rapport de force interne est désormais certainement favorable au mouvement de lutte. On considère maintenant que la meilleure tactique consiste à consolider la victoire obtenue en développant et en élargissant le débat pour obtenir une homogénéité politique plus large parmi tous les prolétaires prisonniers du camp et consolider ainsi l’organisation interne du Pouvoir Rouge.

C’est alors que Cardullo brise le silence en accordant une interview à la rédaction de la RAI et au quotidien sarde "l’Unione Sarda ». Au cours de l’interview, il a admis qu’il y avait eu une lutte de masse, des affrontements et une attaque contre la salle des parloirs, mais il a déformé le contenu en disant qu’il avait été victime d’un tabassage. Il est clair que la position de la direction est désormais défensive : la nature massive de la lutte l’a poussé trop loin et lui fait donc payer un prix politique élevé pour son initiative répressive. Il est également clair que pendant les jours de silence, la gestion politique du camp est passée entre les mains du ministère, comme on peut également le déduire du communiqué publié par ses organes désignés. Cardullo déclare que le silence est dû à la blessure qu’il a subie et qu’il n’est donc pas un "fugitif", et nie la nouvelle de l’attentat envers R.C., affirmant qu’il l’a fait examiner par le médecin. Selon lui, il y aurait 50 détenus dangereux et une restructuration des cellules par groupes homogènes est envisagée, en tenant compte du niveau culturel et en évitant que dans chaque cellule il y ait des détenus avec des idées différentes. Ces déclarations ont pour but de gérer et de déformer la lutte et visent à récupérer le terrain perdu les jours précédents lorsque AFDECO avait, en occupant le bureau du juge d’application des peines, rompu le silence de la presse et pris l’initiative de donner sa version des faits à l’ANSA (Agence de presse italienne). La tentative de gérer les affrontements doit être considérée dans la ligne de la contre-guérilla qui, avant le début de la lutte, était préventive et basée sur la fonction de dissuasion psychologique, puis, avec l’initiative du 19 août, s’est transformée en isolement du monde extérieur et en répression interne pour écraser la lutte, mais lorsque celle-ci s’est déployée, toutes les contradictions qui traversaient l’ennemi sont apparues. D’où la nécessité d’une version officielle pour contenir la défaite subie ; en effet Cardullo affirme que les dangereux étaient au nombre de 50 sur 500 et que les affrontements étaient une réaction à un tabassage qu’il avait subi. La lutte a aussi clairement incité l’ennemi à exalter la résistance prolétarienne, parce qu’il était maintenant obligé de battre en retraite et de préparer le terrain une fois de plus pour une restructuration du camp et de son appareil de contrôle ; pour s’adapter à la nouvelle situation dans laquelle le pouvoir rouge, l’organisation et le mouvement de résistance des prolétaires prisonniers avaient grandi ; en fait, il a été question d’une restructuration du camp pour essayer d’isoler les avant-gardes communistes des prolétaires prisonniers.

Cette manœuvre est à replacer dans le contexte de toute une série d’initiatives massives de délégations parlementaires et de la presse qui soulignent la question épineuse de la "Cayenne sarde" afin de créer un consensus pour une restructuration du camp. La tendance est celle de rétablir le contrôle sur les prisonniers afin de poursuivre la ligne de destruction psychophysique qui est l’objectif stratégique de l’État impérialiste multinational. Entre-temps, dans le sillage de l’agitation déclenchée à l’Asinara, une délégation parlementaire composée d’une poignée de députés radicaux, PDUP et DP, accompagnés de quelques-uns de leurs collaborateurs et des journalistes à la botte du pouvoir, s’apprêtait à débarquer sur l’île. Ces scélérats entendaient faire fi des luttes des prolétaires prisonniers de l’Asinara et, à partir de là, de celles des autres camps ; cette manœuvre sournoise a débuté par la mystification du contenu politique de la lutte et la séparation de ce contenu (le programme immédiat) de la perspective stratégique dans laquelle il s’inscrit. Cela signifie vouloir diviser les prisonniers en créant la confusion et une sorte de "corporatisation" de la lutte afin de la séparer du mouvement historique pour le communisme. En définitive, le but de la visite de cette délégation était de préparer le terrain pour une rationalisation des camps de concentration, pour les rendre moins " bruts", plus fonctionnels, plus efficaces.

Cela est mis en évidence dans les interviews que ces messieurs, dignes représentants de la nouvelle petite-bourgeoise, ont accordées à la presse immédiatement après leur "voyage touristique" : ils se sont plaints des structures délabrées et des tabassages inutiles que subissent les détenus ; en même temps, ils ont mis en doute la sécurité et le fait que l’île soit inexpugnable. Ils ont souligné les coûts de fonctionnement énormes d’un camp "irrationnel" comme celui d’Asinara, notant qu’il serait moins coûteux de construire un camp moderne, équipé de tous les dispositifs nécessaires offerts par la technologie et l’électronique, pour le rendre vraiment sûr, afin que les détenus puissent y purger leur peine à vie sans avoir besoin de les réprimer. Ils n’ont pas oublié, bien sûr, d’affirmer que cela profiterait aussi aux militaires qui, les pauvres, sont presque plus mal lotis à l’Asinara que les prisonniers. Ces vautours politiques ont essayé, comme par le passé, de donner un caractère de revendication économique à la lutte, dans le but de la ramener dans la sphère de la légalité bourgeoise, en dissimulant l’aspect offensif que Cardullo lui-même et les responsables ministériels ont reconnu ; ceci afin de la gérer et de la rendre inoffensive, en la vidant de toute profondeur politique et du message révolutionnaire qu’elle contient.

Le mur d’indifférence et de silence, sinon d’insultes, qui leur a été opposé par la quasi-totalité des prisonniers, a consisté par une position politique précise découlant du niveau de conscience mûri dans le camp également à l’égard de ces ennemis de classe qui, bien qu’étant complètement secondaires et "sans histoire", déguisés en camarades, avaient réussi, en des temps pas si lointains, à tromper une partie des prolétaires prisonniers et à recueillir une certaine part du consensus politique. Le débat qui s’est développé sur cet épisode est un fait très important et marque un nouveau pas en avant dans les luttes de ce secteur de classe car il annonce l’effondrement de tout héritage politique de toutes ces formes d’intervention politique qui ne sont pas véritablement révolutionnaires. Tout le monde à l’Asinara a compris que la réforme et l’anéantissement sont des formes intégrées de la même fonction : la contre-révolution impérialiste.

Il convient de faire quelques brèves remarques sur les surveillants du camp en tenant compte des deux campagnes opposées développées à leur encontre : la campagne de propagande des forces révolutionnaires, basée, d’une part, sur la clarification que, par rapport aux contenus du "programme immédiat", l’affrontement entre prisonniers et surveillants n’aurait lieu que sous leur seule responsabilité, et d’autre part, sur les rapports de force que l’initiative combattante des Organisations communistes combattantes, notamment les BR (Brigades rouges), permettait d’établir ; c’est-à-dire la campagne de guerre psychologique des responsables du fonctionnement du camp, basée sur la création d’un état de tension continu avec des manœuvres militaires de guerre, des simulations de débarquement et des tirs nocturnes. L’attitude des surveillants de la section Fornelli lors des attaques dans les salles des parloirs et des affrontements dans les cours de promenades était objectivement (pour la plupart d’entre eux) celle de s’éclipser. Une caractéristique particulière de cette île pénitentiaire est la possibilité pour la direction de faire effectuer ces opérations, les affrontements et les tabassages en d’autres termes, par des surveillants de sections différentes de celles où se déroule la lutte, car chaque section constituant une prison distincte. En fait, même dans ce cas, le gros de l’ensemble des surveillants engagés dans la bataille du 19 août provenait de la section centrale et des autres sections. Il n’y a aucune raison de douter que les surveillants de la section Fornelli auraient pris en charge la répression de la lutte dans les autres sections, certains qu’ils ne seraient plus entrés en contact physique, jour après jour, avec ces prolétaires. S’il est sans doute vrai que certains d’entre eux ont montré de la "sympathie" pour notre lutte, les prolétaires qui sont dans le camp depuis plus longtemps n’ont pas oublié les provocations quotidiennes étouffantes, les coups occasionnels et le harcèlement dont ils ont été victimes de la part de ces mêmes surveillants. A l’heure actuelle, aucune position officielle ou publique n’a démenti le pantin qui a donné l’interview au "Gazzettino Sardo" de la RAI et, c’est qui paraît sûr désormais, si des contradictions se sont développées entre les surveillants et la direction, celles-ci n’ont pas atteint un niveau de maturité digne de considération.

Pour le "programme immédiat", au-delà du "programme" pour le communisme. Par "pouvoir rouge", nous ne voulons pas photographier une situation dans laquelle un nouvel ordre social stable est en vigueur, ni désigner le caractère communiste de certaines "oasis libérées" des relations inter-capitalistes. Nous définissons le "pouvoir rouge" comme ce mouvement prolétarien offensif qui s’oppose de manière antagoniste aux projets de restructuration de "pacification" imposés par l’État impérialiste, au sein duquel mûrissent des niveaux de conscience, d’organisation et de lutte toujours plus élevés, permettant la conquête politique d’une unité, d’une extension et d’une force matérielle prolétariennes toujours plus grandes. En tant que telle, cette conquête est soumise aux lois dialectiques du mouvement et ne peut se consolider de temps à autre sur les positions les plus avancées que par une activité consciente et organisée qui sait exploiter ces lois et se placer, en adaptant les formes et la manière de sa progression, au point le plus élevé que les contradictions entre les classes permettent à un moment donné.

Pour nous, en ce qui nous concerne depuis ce camp, il est donc prioritaire de pouvoir maintenir un ancrage ferme à l’état des rapports de force généraux entre révolution et contre-révolution, en liant notre initiative de manière adéquate et harmonieuse avec l’initiative extérieure de lutte : la seule manière de donner un sens aux objectifs stratégiques de notre programme de lutte sur ce front de la guerre de classe. Cette semaine de lutte à l’Asinara, un camp spécial dans le circuit des prisons spéciales, directement lié aux objectifs les plus avancés de l’anéantissement des prisonniers communistes dans les camps de concentration de toute l’Europe occidentale, doit nous apprendre à comprendre ce que signifie construire le "pouvoir rouge" dans la prison, après avoir confirmé la validité de notre engagement sur ce terrain de classe et la réalité des tensions révolutionnaires du prolétariat prisonnier.

Au cours de la lutte, d’innombrables données saillantes sont apparues, parmi lesquelles il nous intéresse de noter : la volonté de lutter, la combativité du mouvement des prolétaires prisonniers, même dans les dures conditions imposées par le camp, leur unité sur les objectifs politiques du "programme immédiat", la présence incessante dans la lutte de tous les communistes et l’influence de leur direction politique tout au long de la semaine. Ce qui a manqué, en revanche, c’est l’intervention politique de ce mouvement qui, au cours des événements, n’a pu s’exprimer que de manière désorganisée, inégale et fragmentaire. En fait, ce qui a fait sentir son poids, c’est l’absence d’une organisation du mouvement, de ses organismes de coordination politique et de synthèse de ses tensions. Le mouvement des prolétaires prisonniers est tel aujourd’hui que la phase de simple propagande sur la nécessité historique de la Lutte armée est désormais terminée, "seulement dans la mesure où il se manifeste par des formes d’organisation qui lui sont propres et distinctes de celles des organisations communistes combattantes présentes dans le camp, dont l’orientation doit être d’encourager ce processus".

Il ne s’agit pas d’inventer et de construire des organismes de masse détachés de la matérialité du mouvement, par des greffes mécaniques qui atteindraient le seul but de brider les potentialités et les diverses formes créatives dans lesquelles le mouvement peut s’exprimer ; il ne s’agit pas non plus de former un grand parti unique, une vaste organisation de camp pour confluer toutes les tensions existantes pour les contrôler et les diriger. Au contraire, la tâche des communistes est d’identifier les plus grandes potentialités de ce mouvement, de favoriser la croissance de son organisation, de consolider les capacités de mobilisation et de combat générées en son sein. Au cours et dans l’analyse de cette semaine de lutte, la nécessité de deux niveaux d’organisation politico-militaire est mise en évidence : a) celui de l’Organisation, qui concerne les communistes. Sa tâche est de tracer la voie stratégique en articulant toutes les médiations nécessaires à la croissance et à la consolidation du mouvement des prolétaires prisonniers, de coordonner et de diriger l’initiative révolutionnaire en la plaçant à l’intérieur des moments qualificatifs de l’affrontement de classe plus général qui a lieu dans le pays ; donner une direction politique aux luttes pour la conquête du pouvoir prolétarien en corrigeant les tendances erronées qui se dégagent du mouvement, rapporter les revendications, les éléments moteurs, les besoins, les centraliser et les synthétiser pour les rendre théoriques et les ré-proposer ainsi au mouvement sous la forme la plus mûre de programme, d’organisation et de lutte ; b) celle du mouvement des prolétaires prisonniers, qui a des caractéristiques de masse. Ce mouvement doit exprimer dans les diverses contingences les niveaux d’unité possibles entre les différentes composantes du prolétariat emprisonné dans le camp, en libérant toutes les énergies, idées et aspirations présentes en son sein.

Ce deuxième niveau doit construire ses propres organes de direction, se doter de ses propres jambes sur lesquelles faire marcher la ligne de transformation de tous les prisonniers en prolétaires prisonniers, pour la construction du "pouvoir rouge". La séparation, faite pour donner plus de clarté au discours de ces deux niveaux d’organisation, ne doit induire personne en erreur : il n’y a pas d’identité entre le mouvement et l’organisation, il y a au contraire une unité profonde comme, d’ailleurs, la pratique s’est chargée de le démontrer au cours de la lutte. Certes, ils ne doivent pas être compris comme une seule et même chose, mais l’un travaille à l’intérieur de l’autre dans une relation dialectique qui, en maintenant l’Organisation distincte du mouvement, conduit ce dernier à des niveaux toujours plus élevés d’organisation, de débat, de conscience politique et de lutte, sur la voie de la réalisation de ses objectifs stratégiques. Transformer la qualité de cette semaine de lutte signifie la propager et l’étendre à l’ensemble du mouvement des prolétaires prisonniers pour qu’elle prenne un nouvel aspect quantitatif, la prolonger au sein du mouvement offensif de résistance prolétarienne en la soudant à la ligne stratégique de l’attaque au cœur de l’État menée par l’organisation de combat communiste Brigades Rouges (Brigate Rosse). Ce processus doit voir tous les prisonniers communistes engagés dans la croissance politique du prolétariat prisonnier par la lutte, pour organiser et développer l’initiative révolutionnaire dans les formes infinies que la créativité prolétarienne peut concevoir ; pour conquérir le programme immédiat ; pour jeter les bases les plus solides pour l’affirmation du programme stratégique ; pour l’unité du prolétariat prisonnier dans le Mouvement de résistance prolétarienne offensive et les communistes dans le Parti communiste combattant. Pour le communisme".

Suivant :GROUPE PROLÉTAIRE PRISONNIER DÉCENTRALISÉ À TRABUCCATO, "DÉVELOPPEMENTS DE LA SEMAINE ROUGE, 21-23 SEPTEMBRE ASINARA, SECTION TRABUCCATO, 24 SEPTEMBRE 1978"