« On se demandera bien sûr si le monde où nous vivons
est vraiment si renversé qu’il faille toujours le remettre sur pied »
...Robert Musil ‘’l’homme sans qualités" Seuil T1 p 47...

A cette demande, nous répondons
« c’est que, ici maintenant, une fois de plus, il le faut bien ! »

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Le monde du 9 février 2023 - Le sort des militants italiens d’extrême gauche demandés par Rome devant la Cour de cassation

mercredi 8 février 2023

La Cour de cassation a examiné, mardi 7 février, les pourvois formés par le parquet général contre la décision de la cour d’appel de rejeter les demandes d’extradition visant huit hommes et deux femmes. Réfugiés en France depuis plusieurs dizaines d’années, ils ont appartenu aux Brigades rouges ou à d’autres groupuscules armés.

L’interminable parcours judiciaire des dix militants italiens d’extrême gauche, réfugiés en France depuis plusieurs décennies et réclamés par l’État italien pour l’exécution de condamnations par contumace pour faits de terrorisme, est passé, mardi 7 février, par la Cour de cassation. La haute instance a examiné les pourvois formés par le parquet général contre la décision de la cour d’appel, prononcée en juin 2022, rejetant les demandes d’extradition visant les dix militants, aujourd’hui âgés de 62 ans à 79 ans.

Rome avait relancé de nouvelles demandes d’extradition en 2020, accueillies favorablement au printemps 2021 par le président de la République, Emmanuel Macron, en contradiction avec la « doctrine Mitterrand », formée dans les années 1980, qui voulait que la France offre l’asile aux militants italiens ayant déposé les armes et renoncé à la violence. Les dix militants, huit hommes et deux femmes, dont six anciens membres des Brigades rouges et quatre ayant appartenu à d’autres groupuscules armés, avaient été arrêtés avant d’être remis en liberté en attendant que la justice se prononce sur les demandes d’extradition de Rome.

Le 29 juin 2022, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris décidait de rejeter toutes les demandes d’extradition en fondant sa décision sur deux motifs principaux. Premièrement, les dix Italiens n’étaient pas assurés d’avoir droit automatiquement à un procès juste et équitable à leur retour au pays, en contradiction avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Deuxièmement, une extradition ne respectait pas le droit à une vie privée et familiale de ces hommes et femmes installés en France depuis plusieurs décennies, pour la plupart mariés et ayant des enfants, voire des petits-enfants.

« Réponse cafouilleuse »

Chose rare en matière d’extradition, le procureur général de la République, Rémy Heitz, avait formé des pourvois contre cette décision. Dans le premier, il estimait que la chambre de l’instruction n’avait pas ordonné un nouveau complément d’information pour s’assurer que ceux qui ont été jugés en leur absence bénéficieraient d’un nouveau procès s’ils étaient extradés. Le second pourvoi demande à la Cour de cassation de vérifier que la chambre de l’instruction a respecté une proportionnalité entre l’atteinte portée à leur vie privée et les faits qui leur sont
reprochés.

Les quatre avocats appelés à plaider ont tous souligné que l’Etat italien avait envoyé trois versions de l’article 175 de son code de procédure pénale qui traite de la contumace et qu’aucune d’entre elles ne garantit un procès automatique en cas de retour au pays de la personne condamnée. Me Claire Waquet a insisté sur la « réponse extrêmement cafouilleuse et imprécise de l’Italie »qui « se garde bien de dire que [les extradables] auront droit à un nouveau procès » Concernant la proportionnalité, les avocats ont souligné qu’il n’incombait pas à la Cour de cassation de l’appliquer mais de vérifier si elle avait bien été prise en compte par la chambre de l’instruction dans sa décision.

L’avocat général de la Cour de cassation a abondé dans le même sens en demandant le rejet des pourvois du procureur de la République, estimant qu’« il est indiscutable que la chambre de l’instruction a procédé à la mise en balance » entre le trouble à l’ordre public créé par le rejet de la demande d’extradition et l’atteinte à la vie privée des personnes visées.

La chambre criminelle de la Cour de cassation rendra sa décision le 28 mars.

Christophe Ayad, Le Monde daté du 9 février 2022


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